lundi 14 septembre 2015

Il a quel âge?

La question la plus simple qui soit pour un parent! Au début, on compte en mois, puis en années mais avec les quarts et les demis. Et finalement seulement en années. Souvent on est étonnés de la rapidité à laquelle le temps passe et on voudrait qu'ils arrêtent complètement de grandir.

Mais pour moi, au fur et à mesure que Cédric grandit en âge et en taille, c'est de plus en plus dure de répondre à cette question, tout du moins dure pour moi. J'ai du mal à déterminer l'intention derrière la question, comment y répondre et dans quel degré de détail je veux rentrer.
Il y a trois genres de scénarios:
- la personne qui pose la question voie Cédric ou est déjà au courant de ses délais et autisme, donc c'est simple et le but est juste de savoir son âge chronologique.
- la personne le voit et voit qu'il est grand mais qu'il y a quelque chose de différent chez lui. Là je me demande si le but est juste de savoir son âge, ou si c'est de déterminer s'il est juste très grand pour son âge ce qui expliquerait son comportement ou s'il y a quelque chose de différent chez lui et donc d'essayer de demander sans être malpoli. Parfois je donne son âge et laisse la personne tirer ses propres conclusions, parfois je spécifie que Cédric est sur le spectre. Parfois la question sous-entendue ne me dérange pas, parfois elle m'énerve...
- et le dernier scénario et le plus dur et le plus fatiguant pour moi. Je parle avec quelqu'un que je ne connais pas sans que Cédric soit là et la conversation tourne vers le sujet des enfants. La question de l'âge arrive et quand je donne son âge chronologique, les gens ont tendance à parler des avantages de cet âge, des développements et possibilités qui y sont liés. Et je dois faire un choix. Est-ce que je souris et change la conversation vers un autre sujet ou même une autre personne? Ou est-ce que j'explique? Ce scénario est dur pour deux raisons. D'abord c'est triste presque à chaque fois de me ressasser tout ce que les autres enfants de son âge font, aiment, apprennent, etc. que lui ne fait pas. Et ensuite, ça peut être une petite note dans la conversation mais très souvent ça tourne en longue conversation sur l'autisme et des fois je n'ai pas envie de rentrer dans tous les détails et concentrer mon attention sur tout ça. Mais je considère que ça aide à la sensibilisation et je me sens obligée de partager.
Et au cas où vous vous demander quelle est la réponse à cette question, Cédric a 7 ans chronologiquement, mais fonctionne à un niveau de développement autour de 1 à 2 ans selon la dernière évaluation, mais ce n'est pas uniforme. Il fait certaines chose comme un enfant d'un an et d'autres comme un de trois ans.
Donc, comme vous voyez, question simple mais réponse compliquée!


mercredi 27 mai 2015

Cédric l'éponge!

Un des stigmas qui a longtemps été associé à l'autisme est que les enfants sur le spectre n'ont pas d'empathie et ne ressentent pas les sentiments. On a longtemps pensé aux autistes comme étant froids et distants.
Ce préjugé est une des raisons pour lesquelles les médecins nous ont longtemps maintenu que Cédric n'était pas autiste parce qu'il était trop social.Récemment une des mes amis à posté sur Facebook un article présentant la théorie que non seulement les enfants autistes ressentent les sentiments (ce qui est évident chez Cédric) mais qu'ils les ressentent peut-être plus que les personnes neuro-typiques. Selon l'article ce serait même la raison pour laquelle certains refusent le contact et se retirent de la présence des autres: ils ont une telle empathie et ressentent à un tel degré que c'est trop intense.Comme tout dans l'autisme il semblerait, ce trait peut être différent d'une personne à l'autre. Mais personnellement, en lisant l'article, tout ce qui me venait à l'esprit c'est que c'était évident que c'était le cas chez Cédric.

J'appelle Cédric mon éponge! Il capte les émotions des autres autour de lui et bien qu'il n'y réponde pas comme on s'y attend, elles l'affectent énormément. Il ne nous console pas quand on est tristes ou frustrés, mais le climat émotionnel de son environnement dicte son humeur. Il absorbe ce qui l'entoure. Pour Cédric, les humeurs sont contagieuses. Donc si ceux qui l'entourent sont frustrés, stressés, anxieux, ou impatients, Cédric se frustre et se fâche facilement. Si au contraire quiconque s'occupe de lui est calme, heureux et patient, Cédric reste de bonne humeur.

Je suis consciente de cela depuis longtemps. Quand il était bébé, Cédric ne pleurait que s'il avait mal ou si un autre enfant pleurait. Mais j'en ai encore eu la confirmation pendant nos vacances en Floride. J'ai réalisé qu'une des raisons pour lesquelles Cédric est tellement bien à Disney World c'est que tout le monde est bien à Disney World. La foule ne le dérange pas tant que les individus qui la composent sont heureux. A Disney World, tout le monde est heureux, relax, en vacances! Il ne s'est frustré qu'aux moments des repas, quand il avait faim, mais aussi quand ceux qui nous entouraient avait faim et se battaient pour trouver une place dans les restaurants. Aux parcs d'eau, il est absolument relax dans la rivière où tout le monde se laisse flotter et il est heureux dans la petite piscine assez calme où les enfants jouent. Par contre, on a essayé la piscine à vague et bien qu'il ait adoré les vagues et sauter avec son Papa, il s'est fâché et frustré sans raisons apparente pour nous... jusqu'à ce que je réalise que les gens autour de nous étaient nombreux, bruyants et tous surexcités. L'intensité de l'ambiance émotionnelle était trop forte et Cédric ne pouvait pas gérer.

Le problème d'une éponge c'est qu'il faut l'essorer. Quand Cédric va bien, il réagit à nos humeurs mais s'en remet assez vite. Mais quand il est fatigué, malade, affamé, qu'il a trop chaud, etc., il perd sa capacité d'auto-essorage. Il faut changer l'ambiance autour de lui, souvent physiquement le retirer de l'endroit, et laisser l'éponge s'égoutter tout doucement. Au parc d'eau, il a fallu sortir de la piscine, lui donner à manger, faire un tour de rivière, et rejouer une peu dans la petite piscine avant qu'il ne puisse retrouver vraiment sa bonne humeur.

C'est donc un exercice quotidien pour nous de rester aussi calme que possible pour ne pas rentrer dans un cercle vicieux. La bonne et la mauvaise humeur sont contagieuses pour lui, mais pour nous aussi. Les humeurs de Cédric le sont particulièrement parce qu'il est très expressif. Donc si on est fatigués, frustrés ou anxieux, Cédric le ressent et a des crises, ce qui nous rend plus fatigués et frustrés et moins capable de gérer patiemment ses comportements, et comme il nous ressent encore plus fâchés, il fait encore plus de crises, etc., etc.!C'est aussi un facteur important dans nos choix d'activités et de visites et peut-être encore plus dans nos choix de personnes pour faire garder Cédric. On sélectionne autant que possible des personnes positives mais surtout patientes et calmes. Quelqu'un de trop actif et intense, même si c'est de la bonne humeur, fini toujours par être trop pour lui et a des problèmes avec lui (des comportements difficiles, des crises, des pleurs, ...).

Le simple fait d'avoir réalisé tout ça m'aide à analyser les causes de ses crises et à rester plus calme. Mais notre patience à des limites et le reste du quotidien ne s'arrête pas pour nous ménager, donc sport (et yoga pour moi) et vacances aussi souvent que possible pour recharger les batteries!

Et voilà le petit bonhomme tout calme et heureux dans une tasse :D

mardi 27 janvier 2015

Le poing du singe

Il y a quelques temps, dans un podcast qui s'appelle Edumacation, j'ai entendu l'histoire d'un groupe de moine Shaolin qui s'étaient grandement intéressés à un bébé. Le bébé avait lancé la main très vite et enelvé des lunettes du visage de son père. Les moines étaient époustouflés et avaient dit que le bébé avait "le poing du singe", en d'autres mots ce qu'ils considéraient être une habileté innée pour le Kung Fu grâce à laquelle le corps contourne presque entièrement la pensée et passe à l'action de façon instinctive.

Cette histoire m'a vraiment interpellée.

Depuis que Cédric est petit, il est maladroit et à un diagnostique de tonicité musculaire faible et de délai de motricité fine et globale. Même maintenant, à 7 ans, il ne tient pas ses couverts de façon appropriée, il apprend seulement doucement à tourner les choses, sa pince fine est très faible, il peut sauter sur place mais pas en avant.

D'un autre côté, depuis qu'il est tout petit, il est rapide comme l'éclair, il peut lancer la main et attraper ce qu'il veut plus vite que l'ombre de Lucky Luke, il peut bouger chaque partie de son corps indépendamment mais simultanément dans des directions différentes pour empêcher qu'on le contrôle, par exemple quand on essaye de faire une prise de sang ou des rayons x, et il peut nous empêcher de le chatouiller ou de l'embrasser.

Ayant maintenant appris les bases du Jiu Jitsu Gracie, je réalise que ça va même plus loin que ça. La famille Gracie à developpé le Jiu Jitsu brésilien pour l'auto-défense en perfectionnant des techniques qui utilisent la gravité, l'équilibre et les forces et faiblesses du corps pour que même une personne de petite stature puisse se sortir intacte de bagarres ou attaques. Il s'avère que quand Cédric essaie de nous empêcher de le tenir en place ou de le chatouiller, il utilise précisément ces techniques. Il sait qu'il faut placer sa main différemment pour pousser et tirer. Il sait qu'il faut faire nager ses bras pour sortir quand on essaie de le tenir. Il sait qu'il faut faire "la crevette" en sortant les fesses et en utilisant ses jambes pour sortir d'une étreinte. Il sait qu'il faut attraper un doigt faible, plutôt que toute la main ou le bras, et le tirer en arrière pour nous faire lâcher prise que ce soit de lui-même ou de quelque chose qu'il veut. Il sait qu'il faut rentrer le menton pour qu'on ne puisse pas tenir sa tête. Il sait qu'il faut attendre un peu quand il est vraiment coincé et s'éjecter rapidement quand il voit une sortie. Son corps fait tout cela complètement instinctivement.

En écrivant tout ça, je me rend compte que ça donne l'impression qu'on passe notre temps à se battre avec lui où à le restreindre... Ce n'est pas le cas. On a remarqué tout ça dans des situations de tous les jours, en voulant jouer avec lui, en essayant de l'empêcher de prendre ce qu'il ne faut pas, en essayant de faire une prise de sang, etc.
Pendant les vacances de Noël, on a eu l'occasion d'en faire un peu plus l'expérience. On l'a emmené faire des traitement d'oxygène hyperbare pour lesquels il fallait rester 90mn dans un petit contenant. Il a décidé qu'il ne voulait pas y rester et il a fallu le restreindre beaucoup et j'ai réalisé à quel point il est fort, rapide, souple et efficace. Il a même dû y aller une fois avec le technicien parce que j'étais malade. Il s'agit d'un homme grand fort et qui a été entraîné au Jiu Jitsu Gracie dans l'armée. Et même lui en est sorti ébahi de la façon dont Cédric utilisait toutes ces techniques et de son habileté à se sortir de n'importe quoi.

Depuis que j'ai entendu l'histoire du "poing du singe", j'ai donc eu le sentiment que Cédric a cet instinct de défense. Et depuis cela, je me demande pourquoi. A mon avis, il y a trois explications possibles.
1. Il a un talent. Certains sont doués pour la musique, ou le sport, ou la poésie, ou le dessin. Il n'y a pas de raison qu'il ne puisse pas tout simplement être doué pour les arts martiaux.
2. Parce que l'autisme est au moins une partie de l'identité de Cédric, je ne peux pas m'empêcher de voir les choses sous cette lumière. Je me demande si la façon dont son cerveau fonctionne est de quelque façon que ce soit responsable. Peut-être que le fait d'avoir des pensées moins complexes permet une utilisation plus directe de son corps; moins de rationalisation et plus d'instinct animal. Ou le contraire. Certaines personnes et études suggèrent que le cerveau des enfants autistes est surdéveloppé, et on sait que beaucoup d'eux gèrent les inputs sensoriels différemment. Donc peut-être que Cédric a un sens beaucoup plus développé de son corps et comment il bouge.
3. Mon mari à aussi soulevé l'influence possible de l'épigénétique. C'est une théorie selon laquelle même en une génération, ce que les parents ont appris et pratiqué peut passer à leur progéniture. Comme son papa pratique les arts martiaux depuis des années, il est possible que Cédric soit génétiquement prédisposé pour cela.

Tout ce que je sais, c'est que si Cédric développe un jour la capacité d'attention et le désir d'assister à des cours et à apprendre un art martial, il sera un adversaire retaillé!

Un petit PS pour ajouter une page de digiscrap qui met mon ninja en image ;)